Vous souhaitez en savoir plus sur les arythmies cardiaques ?
Nous vous donnons rendez-vous mercredi 10 juin, dans l’émission Allô Docteurs sur France 5 aux alentours de 14h20.
A cette occasion, le Professeur Gérard Helft, cardiologue à l’Hôpital de la Pitié Salpêtrière, ambassadeur et membre du Conseil d’Administration de la Fédération Française de Cardiologie (FFC) interviendra sur le sujet.
L’étude du Pr Raoult a été mise le ligne le 20 mars
Le débat sur l’utilisation de deux dérivés de la quinine, le sulfate de chloroquine (Nivaquine) et le sulfate d’hydroxychloroquine (Plaquenil), dans le traitement du coronavirus divise la France, ses citoyens, ses politiques et ses médecins et a même fait naître des théories complotistes.
Historique
Il s’agit de médicaments contre le paludisme. Le premier, découvert en 1934, a été mis sur le marché français en 1947 et le second en 1960. Ce dernier est également utilisé dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde et du lupus érythémateux.
Effets antiviraux de la chloroquine et de l’hydroxychloroquine
Les éventuels effets antiviraux de cette classe de médicaments ont été évalués depuis les années 1990 (virus du Sida, puis autres virus tels que le SARS-1 et celui d’Ebola). Ces recherches ont pu montrer des effets bénéfiques in vitro ou chez la souris, mais n’ont pas été concluants chez l’homme.
Concernant le Covid-19, des études ont été publiées début 2020 en Chine (Université de Fudan) et en France (équipe du Pr Raoult à Marseille qui utilisé l’hydroxychloroquine seule ou en association avec un antibiotique, l’azithromycine). Elles ont porté sur de petits effectifs de malades (29 dont 14 traités dans la première et 20 traités dans la seconde) et la méthodologie de ces études a été critiquée par les milieux scientifiques.
Plusieurs études sont actuellement en cours, notamment en Europe et aux Etats Unis.
Un essai clinique multicentrique randomisé « Discovery » a débuté le 22 mars. Mené auprès de plus de 3.000 patients hospitalisés avec des signes respiratoires, en particulier une pneumonie, dont 800 en France.
Coordonné par l’Inserm, il va tester l’efficacité de quatre stratégies thérapeutiques :
le remdesivir (antiviral conçu initialement pour le virus Ebola),
L’association de lopinavir et de ritonavir, antiviraux utilisés habituellement pour le VIH,
une association de ces antiviraux à l’interféron bêta,
de l’hydroxychloroquine (elle a été ajoutée à l’essai à la demande de l’OMS et de l’État français).
Pour le moment, cinq hôpitaux français sont concernés : Bichat à Paris et les CHU de Lille, Nantes, Strasbourg et Lyon. La première évaluation clinique aura lieu au 15e jour.
Le Pr Florence Adler de Lyon qui coordonne cet essai a indiqué il y a quelques jours au Quotidien du Médecin (édition du 24 mars), que « Le but est de sélectionner les meilleures molécules pour les mettre à disposition des patients le plus rapidement possible. Notre essai est en temps réel et adaptatif. Quand une molécule montrera trop peu d’efficacité, elle pourra être abandonnée et nous pourrons basculer potentiellement sur d’autres molécules candidates ».
Risques cardiologiques de la chloroquine et de l’hydroxychloroquine
ECG normal avec les intervalles PR et QT
L’utilisation de ces médicaments expose essentiellement à des troubles électro-cardiographique avec un allongement des intervalles PR, de la durée du complexe QRS et surtout de l’intervalle QT (voir illustrations ci dessus et ci dessous).
Un QT allongé expose à un risque d’arythmies cardiaques graves, voire mortelles.
Ceci se voit surtout chez les patients présentant certains facteurs de risque : sexe féminin, âge de 65 ans ou plus, maladie cardiaque (ischémie myocardique, infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque congestive, myocardiopathie, troubles de la conduction cardiaque, antécédents d’arythmie, fréquence cardiaque inférieure à 50 par minute).
Electrocardiogrammes avec intervalle QT normal et avec QT long
Les anomalies du rythme observées sont :
des blocs auriculo-ventriculaires (troubles de la conduction de l’influx électrique entre les oreillettes et les ventricules, pouvant entraîner un ralentissement extrême de la fréquence cardiaque et des syncopes),
une fibrillation auriculaire,
des arythmies ventriculaires, dont des torsades de pointe, pouvant dégénérer en fibrillation ventriculaire (principale cause des arrêts cardiaques).
Un allongement du QT peut être favorisé par l’association avec de nombreux autres médicaments (par exemple : amiodarone, sotalol, certains antibiotiques comme l’azithromycine). De plus certaines personnes sont porteuses d’un QT long congénital.
Ces troubles du rythme ventriculaires s’observent surtout en cas d’hypokaliémie (manque de potassium) pouvant être liée à des vomissements, à une diarrhée, à la prise de réglisse ou un traitement par diurétique.
Communiqué de la Société Française de cardiologie
Publié le 24 mars, il précise qu’afin de « faire bénéficier le plus grand nombre de patients, dans les délais les plus courts » il faut « que les résultats de ces essais puissent être interprétés, car répondant à une méthodologie rigoureuse et stricte« .
Concernant l’utilisation de la chloroquine et de l’hydroxychloroquine, il indique que « la publication récente de l’équipe marseillaise ouvre une piste thérapeutique intéressante, mais les données actuelles, très préliminaires, sont difficiles à interpréter, compte-tenu de la taille de l’échantillon, et surtout de l’absence de données sur l’évolution clinique ou la mortalité, et de l’absence de confirmation indépendante des résultats observés »
De plus, il « attire l’attention de la communauté médicale, et cardiologique en particulier, sur les points suivants.
Une utilisation non conforme (hors Autorisation de Mise sur le Marché) de cette molécule n’est pas sans danger potentiel car
La chloroquine ou l’hydroxychloroquine, associée à l’azithromycine, augmente le risque d’allongement de QT et donc de torsades de pointes,
Elle risquerait d’interférer avec les essais randomisés, contrôlés, testant l’efficacité de l’hydroxychloroquine dans le COVID+ et qui devraient permettre de disposer d’une réponse rapide, basée sur des données scientifiques indiscutables ;
Elle risquerait d’entraîner une pénurie dans la disponibilité de l’hydroxychloroquine pour les patients traités au long cours dans un contexte de maladies inflammatoires sévères, et dans lesquelles cette thérapeutique est essentielle ;
Elle risquerait de susciter des espoirs encore non fondés et même un ressentiment des patients ou des familles de patients qui n’auraient pas reçu ce traitement, puisque annoncé comme efficace, alors même que nous manquons à ce jour de preuve formelle« .
En résumé
L’objectif des études actuellement en cours chez les patients présentant des signes respiratoires est de répondre aux questions que l’on se pose sur le traitement médicamenteux la chloroquine ou l’hydroxychloroquine.
La chloroquine ou l’hydroxychloroquine sont-elles utiles, c’est-à-dire efficaces vis à vis de l’infection liée au coronavirus ?
La chloroquine ou l’hydroxychloroquine sont-elles au contraire dangereuses pour les patients ? C’est-à-dire entraînent-elles des complications, voire une surmortalité dans le groupe traité par rapport au groupe placebo (celui ne reçoit pas de chloroquine ou d’hydroxychloroquine)?
Qu’en est-il des autres traitements proposés (antiviraux et l’interféron bêta)?
Des réponses devraient être apportées à ces questions dans les semaines qui viennent.
Plusieurs hospitalisations en réanimation pour des complications cardiaques graves ont été rapportées par l’Agence Régionale d’Aquitaine suite à la prise d’hydroxychloroquine. Cette dernière ne doit pas être prise hors milieu hospitalier et sans contrôles réguliers de l’électrocardiogramme.
Il est habituel de dire que la consommation de café entraîne des palpitations, voire des anomalies du rythme cardiaque et l’on recommande la limitation de la consommation de cette boisson chez les patients à risque d’arythmies cardiaque.
Cependant l’équipe de Priscilla Zuchinali du service de cardiologie de l’hôpital universitaire de Clínicas à Porto Alegre au Brésil a réalisé une étude qui ne montre aucune corrélation entre une prise aiguë de caféine et arythmie cardiaque, tant au repos qu’à l’effort.
Cette étude publiée dans la prestigieuse revue médicale américaine JAMA, a été réalisée chez 51 personnes insuffisantes cardiaques à haut risque d’arythmie ventriculaire (et, pour les 25 premières, porteuses d’un défibrillateur cardiaque implantable) et recevant un traitement conventionnel.
Elle a comparé chez ces volontaires les effets d’une forte dose de caféine versus un placebo (personnes ne recevant donc pas caféine) sur la survenue d’extrasystoles ventriculaires (ESV) ou supra-ventriculaires (ESSV), tant au repos qu’à l’effort.
Les personnes recevaient sur une période de 5 heures 5 tasses cafés de 100 ml avec à chaque fois prise d’une dose de 100 mg caféine (soit un total de 500 mg de caféine) ou de lactose pour le groupe placebo). Elles bénéficiaient d’une surveillance continue de leur électrocardiogramme et une heure après la dernière prise elles effectuaient un test d’effort sur tapis roulant.
Il n’a pas été constaté de différence significative entre les groupes dans la survenue d’ESV et ESSV isolées, tant au repos qu’à l’effort.
Par contre, on relève une augmentation de la pression artérielle systolique et diastolique plus marquée sous caféine.
On ne note pas davantage d’extrasystoles dans le sous-groupe avec le taux sanguin de caféine le plus élevée par rapport au sous-groupe dont le taux est le plus faible ou à celui des personnes recevant un placebo.
Les limites de cette étude
Il s’agit d’une étude après une prise « aiguë » de caféine, mais il n’y a pas eu d’étude sur les effets de la consommation chronique de caféine.
Cependant, les auteurs concluent qu’il n’y a pas de raison, au vu de la littérature et de leur étude, d’interdire une consommation modérée de café aux patients à haut risque arythmique. Et,à fortiori, il n’y pas non plus de raison de le faire pour les autres personnes.