A l’occasion des 32èmes journées de formation des scolaires qui ont eu lieu les 19 et 20 décembre à l’Espace François Mitterrand, le Club Coeur et Santé a fêté avec les organismes de secourisme 30 années consacrées avec eux à la formation (*) à la prise en charge de l’arrêt cardiaque.
La journée nationale de l’urgence cardiaque
Tout a commencé en octobre 1994, lorsque la Fédération Française de Cardiologie (FFC) a lancé une grande campagne sur l’arrêt cardiaque, alors appelée urgence cardiaque, dans 1 500 villes dont Saint-Dié.
Le 6 octobre le Pr Gilgenkrantz, vice-président de la FFC, président de l’Association de Cardiologie de Lorraine (ACL) et chef du service de cardiologie de l’hôpital Central à Nancy, fait une conférence sur ce thème et des expositions sont installées en six lieux de la ville.
Le 8 octobre un défilé est organisé depuis la rue d’Alsace avec les véhicules des pompiers, secouristes et ambulanciers avec leurs sirènes, ce qui fait penser à certains qu’il y a eu un grave accident. Des démonstrations des gestes qui sauvent sont faites sur 6 lieux de la ville dont la place du marché et les centres commerciaux.
Les journées de formation des scolaires
Suite à ces actions est née l’idée de former la population : d’abord les élèves de cours moyen et de 6ème, puis les responsables associatifs, les enseignants, les employés municipaux et le grand public.
Des réunions ont lieu pour organiser les sessions à l’intention des élèves, rassemblant l’inspecteur de l’Education nationale, des élus municipaux, des représentants des associations de secourisme et des pompiers et les responsables du club Coeur et Santé alors présidé par Bernard Thirion.
Grâce à ce partenariat exemplaire – que beaucoup nous envient en France – les premières formations ont lieu en mars 1995 dans des écoles et au collège Souhait. Le programme comporte l’appel des secours, le massage cardiaque et le bouche à bouche en cas d’arrêt cardiaque ainsi que la mise en position latérale de sécurité en cas de perte de connaissance sans signe d’arrêt circulatoire.
Par ailleurs, les écoliers participent en 1995 au concours de dessin sur l’urgence cardiaque de la FFC. Les meilleurs dessins sont transmis à l’ACL et c’est un élève de l’école Jacques Prévert qui gagne le premier prix régional.
Après cette première édition réussie, la deuxième a lieu en novembre 1995 à l’Espace Mitterrand où 1050 élèves de CM2 et 6èmes sont accueillis par la Croix Rouge, les Pompiers, la Protection Civile et le club. Des membres d’autres structures les rejoindront ensuite : des secouristes de la Croix Blanche, de SNS, de la FFSS, de l’Ufolep, de la Gendarmerie et de l’Unass ainsi que des infirmières de la ville, de l’hôpital (services de cardiologie et des urgences), de l’Éducation nationale et des médecins hospitaliers et libéraux.
L’action se poursuit depuis avec simplement une interruption en 2020 du fait de la Covid. L’organisation se fait grâce au partenariat entre le club, l’inspection de l’Education nationale et le service de sécurité civile de la préfecture avec le soutien logistique de la ville.
Les collégiens des classes de 6ème ont été remplacés par ceux de 5ème pour tenir compte de leur programme scolaire puis n’ont plus participé à notre action avec l’introduction du PSC1 dans leur cursus en classe de 4ème. Cependant, ces dernières années plusieurs collèges du secteur ont introduit la formation aux gestes qui sauvent dans le cadre de leur Parcours du Coeur pour les élèves de 5ème.
Si le contexte a changé depuis 1994, le programme de la formation aussi. Le diagnostic de l’arrêt reposait alors sur une perte de connaissance avec absence de pouls carotidien. Par la suite, ce dernier signe a été remplacé par l’arrêt de la respiration. Et, après le décret du 4 mai 2007 permettant à chacun d’utiliser un défibrillateur automatique, l’usage de cet appareil est enseigné.
Avec ce texte, la prise en charge de l’arrêt cardiaque par le premier témoin franchit une nouvelle étape. Par ailleurs pour le grand public, l’enseignement du bouche à bouche a également été arrêté à la suite des résultats de plusieurs études confirmées ces dernières années par les données des grands registres nationaux sur la prise en charge des arrêts cardiaques. Ceux ci montrent que le pronostic est meilleur si le premier témoin ne fait que le massage cardiaque.
Jusque en 2009, les élèves sont accueillis par les formateurs exclusivement en petits groupes autour d’un mannequin. A partir de 2010, une partie est prise en charge par des infirmières du club par classes entières grâce à des mannequins Mini Anne et à l’aide d’une vidéo (matériel financé par l’ACL). Ces dernières années, les mini mannequins sont également utilisés dans les petits groupes par différents formateurs.
En 2008, la FFC dote ses clubs Coeur et Santé d’un DAE d’apprentissage et d’un mannequin ainsi que d’un « vrai » DAE chargé l’assurer la sécurité des adhérents lors des activités physiques adaptées mises en places dans les clubs.
En 2008, la FFC dote ses clubs Coeur et Santé d’un DAE d’apprentissage et d’un mannequin ainsi que d’un « vrai » DAE chargé l’assurer la sécurité des adhérents lors des activités physiques adaptées mises en places dans les clubs.
Ce matériel permet au cardiologue du club de former ses adhérents à la prise en charge d’un arrêt cardiaque. En outre, en 2008 également, une dizaine de membres du club reçoivent une formation PSC1. D’autres suivront. Les derniers l’ont été en novembre 2022. Le prochain groupe est prévu en 2025.
L’action en direction du grand public
En 1999, une première grande campagne en direction du public est réalisée à Saint-Dié avec diffusion dans les lieux publics (hôpital, mairie, poste…) et chez les pharmaciens de 5 000 exemplaires de la carte de l’urgence de la FFC avec une édition spéciale pour la ville.
Les premières formations des adultes ont lieu en 1996 à Saint-Dié pour 100 responsables associatifs et 41 enseignants des écoles, puis en 1997 pour 100 membres du personnel municipal. Elles se multiplieront à partir de 2008 à Saint-Dié comme dans les autres communes de la Déodatie.
En 2008, une exposition de la FFC sur l’arrêt cardiaque est mise en place au niveau de la Déodatie à Saint-Dié et dans chaque chef-lieu de canton couplée dans ces communes à une session de formation du public.
Le projet Défidéo : défibrillateurs et formation du public
Suite au décret du 4 mai 2007 autorisant chacun à utiliser un DAE, le club Cœur et Santé lance le projet Défidéo avec le Pays de la Déodatie alors présidé par Claude Jacquot, qui, contrairement à d’autres élus et professionnels de santé, n’a pas besoin d’être convaincu de l’utilité d’un DAE car il a été témoin en tant que député de l’arrêt cardiaque de Michel Crépeau, maire de la Rochelle, en pleine séance de l’Assemblée nationale.
Une première réunion organisée à l’intention des élus en décembre 2007 et après validation du projet par les instance du Pays de la Déodatie, une commission se met en place avec le Pays, le club Coeur et Santé, l’hôpital (services biomédical, de cardiologie et des urgences), la Croix Rouge, les pompiers et la Protection Civile. Un recensement des communes intéressées par un DAE est réalisé. Les premières à répondre seront Raon-lès-Leau et Raon-sur-Plaine, villages les plus éloignés des service de secours. Une réunion des élus des communes concernées a lieu en juin 2008.
Ce projet innovant et le seul de ce type en France, fait alors partie de la vingtaine recensés en 2008 par la FFC.
Après avoir résolu le problème du financement, il débouche sur l’implantation de DAE accessibles au public 24 heures sur 24 avec une première tranche de 30 appareils en 2010 financés à 50 % grâce au mécénat de la Fondation Caisse Nationale de Prévoyance (CNP) représentant 50% du budget). La CNP participera au financement de 3 autres tranches. Les autres partenaires financiers de 2010 sont l’Association Familiale et le Rotary, puis les années suivantes GRDF et la Mutuelle de la Police Nationale. Aujourd’hui, dans le cadre de Défidéo près de 150 appareils ont été installés.
Depuis, beaucoup d’autres l’ont été suite au décret du 19 décembre 2018 rendant obligatoire ces appareils dans les ERP (Etablissements recevant du Public) à partir du 1er janvier 2020 pour les plus importants et de façon progressive pour les autres. Mais ils ne sont, hélas, pas tous accessibles 24 heures sur 24 aux premiers témoins d’un arrêt cardiaque ce qui limite leur utilité.
Avec Défidéo et parallèlement aux campagnes nationales de la FFC, la formation du public s’intensifie à partir de 2008 et cette année-là, les premières formations ont lieu dans chaque chef-lieu de canton, puis en 2010 dans toutes les communes du Pays de la Déodatie équipées d’un DAE avec nos partenaires formateurs. Le club intervient aussi auprès des deux associations ayant fait un don pour l’achat des DAE : Association familiale et Rotary puis auprès des communes.
Le projet ELSA : formation des plus jeunes
Les 25 et 26 mars 2024, 9 bénévoles du club Cœur et Santé ont participé à l’initiation à la prise en charge de l’arrêt cardiaque de près de 200 élèves des écoles Paul Elbel et Fernand Baldensperger dans le cadre du projet ELSA mis en place par le Réseau électronique des Arrêts Cardiaques et l’université de Lille.
Si les élèves de cours moyens font leur apprentissage avec de mannequins Mini Anne, les plus jeunes de CE1 et CE2 utilisent une peluche permettant d’apprendre le geste du massage cardiaque en supprimant la difficulté pour eux de comprimer un mannequin du fait de leur faible poids. Cette étude ELSA comporte également une évaluation de l’acquisition des connaissances à l’issue de la formation, puis à 3 mois et un an ainsi qu’une étude sur les facteurs sociologique pouvant éventuellement influencer cet apprentissage.
Déodéfib’
En 2023, suite au vote des Déodatiens dans le cadre du budget participatif, le projet présenté par le club Coeur et Santé est retenu et Déo Défib’ est mis en place avec la Ville en 2024. Un nouvelle fois les formateurs sont à nos côtés.
Entre début juin et début août plus de 700 personnes sont formées dans les différents quartiers de la ville.
Par ailleurs les DAE sont actuellement en cours d’installation (près de 30 prévus).
Plus de 25 000 personnes formées
A la date du 20 décembre 2024, d’après le « compteur » du club Coeur et Santé, depuis le printemps 1995 ce sont 25 232 personnes qui ont été formées dont un peu plus de trois quarts sont des enfants (18 991 enfants et 6241 adultes).
La prochaine génération de citoyens déodatiens sera plus compétente que ses ainées puis qu’elle aura appris les gestes à faire en cas d’arrêt cardiaque au minimum deux fois : une fois au CM2 avec le club (voire deux fois si leur classe est à deux niveaux avec CM1 et CM2) puis en quatrième avec le PSC1, enseigné au collège. D’autres, plus privilégiés auront revu deux fois de plus les membres du club : en 5ème, ce qui est le cas actuellement pour 2 collèges sur 5 de la ville et au lycée en classe de seconde (deux lycées sur sur 5 concernés cette année).
Taux de survie après un arrêt cardiaque extra hospitalier : en progrès, mais on peut mieux faire
Il y a 30 ans, seulement 2 % des personnes survivaient. Actuellement la survie globale est de 6 à 8 %.
Elle est de plus de 30 % si le premier témoin fait les gestes qui sauvent dans les premières minutes (appel des secours suivit du massage cardiaque et l’utilisation d’un DAE).
Mais dans des conditions optimales (grands aéroports et enceintes sportives) on atteint, voire dépasse, les 60%.
La marge de progression est donc grande. Cela ne dépend pas des service de secours, ni des établissements hospitaliers. Il faut pour y arriver que davantage de personnes se sentent concernées et se forment et qu’il y ait davantage de DAE en accès libre.
(*) : Nous utilisons dans cet article le terme de formation tant pour les formations diplômantes que pour les initiations et sensibilisation. Mais les termes de « formation » tout comme « gestes qui sauvent » sont réservés uniquement aux apprentissages réalisés par des organismes agréés par le ministère de l’intérieur et qui donnent droit à un diplôme. Même si les compétences des professionnels de santé, en particulier des médecins et des infirmières des services hospitaliers (cardiologie, urgences…), en matière de réanimation cardiopulmonaire ne sauraient êtres contestées, cela ne leur permet pas de délivrer des diplômes saufs cas particulier. Ils peuvent néanmoins, tout comme les autres professionnels de santé et les titulaires du PSC1 depuis de moins de 3 ans, animer des séances de sensibilisation aux « gestes qui sauvent » depuis un arrêté du 30 juin 2017 publié au JO du 16 septembre, en respectant un cahier des charge du ministère de l’intérieur. Quelque soit le terme utilisé le contenu pédagogique est le même et les actions menée par la FFC sont toujours nécessaires puisque de l’aveu même du médecin national de la Croix Rouge, au rythme actuel il faudrait 30 ans pour que tous les Français soient formés. Les 45 000 victimes d’arrêts cardiaques survenant chaque année en France ne sauraient attendre. Ce qui justifie la mobilisation de la FFC.