Le précédent article a été consacré à la présentation générale des trois boissons-plaisir que sont le thé, le café et le chocolat. Nous présentons ici l’histoire du thé.
Le plus consommé dans le monde après l’eau, serait la plus ancienne des boissons et s’identifie à l’Asie mais sa légende varie selon les différentes civilisations.
En Chine, la découverte fut attribuée à l’empereur Shennong (2737 avant J.-C.) un des trois Augustes, héros civilisateur de la mythologie chinoise qui, soucieux du bien-être de son peuple, recommandait pour les boissons l’usage d’eau chaude quand une feuille de thé tombée fortuitement dans sa préparation, lui donna une saveur exceptionnelle et contribua au succès de cette boisson aux vertus médicinales.
Le poète taoïste Lu-Vu (époque Tang, 8e siècle ap. J.-C.) rédigea le premier traité technique et philosophique : l’art classique du thé. L’infusion s’étendit à tout l’empire chinois sous les Ming générant un rite empreint de beauté et de spiritualité. Les maisons de thé se multiplient à partir du 12e siècle comme des lieux à la fois populaires mais aussi de réflexions politiques jusqu’à la révolution de Shanghai en 1911.
La présentation du thé (briques, feuilles battues ou séchées) évolue avec les dynasties chinoises successives (Tang, Song, Ming en même temps que s’ébauche un cérémonial précis autour d’accessoires indispensable, des bols en bois puis en céramique jusqu’à l’apparition de la théière.
La culture du thé se développa dans l’empire des Indes et à Ceylan amputant le commerce chinois.
L’Inde voisine propose une autre version de la découverte du thé ; le cartactère sacré se renforce par le fait que les feuilles du thé reproduisent les paupières du Bohdi Dharma, prince devenu moine bouddhiste pour expier ses fautes, qui se rendit coupable de s’être endormi, négligeant da prière ; il se coupa les paupières, les enterra. Elles donnèrent naissance au théier.
Au Japon, à partir de l’époque Nara (8e siècle), le thé s’inscrit dans la tradition au quotidien. La cérémonie du thé, reposant sur les quatre principes shintoïstes : harmonie, respect, pureté, sérénité, apparue en 12000, rapportée par Okakura Kakuso dans l’incontournable « Livre du thé », lui confère son importance tant culturelle que morale et sociétale.
Le thé, connu en Europe, à travers les récits des voyages de Marco Polo (le Livre des merveilles rédigé en Français !), débarqua pour la première fois à Amsterdam en 1606 depuis le comptoir portugais de Macao ; le dynamisme des marchands hollandais à travers l’organisation de la compagnie des Indes supplanta vite les Portugais. Il gagna ensuite l’Angleterre où sa popularité ne s’est jamais démentie en dépit des taxes lourdes imposées par Cromwell qui suscitèrent un fructueux trafic de contrebande. Il se répandit sur l’empire victorien « où le soleil ne se couche jamais » » d’abord auprès des privilégiés puis très vite dans les couches populaires où sa consommation devient vite quotidienne. Ce commerce anglais assura la fortune et le développement de Canton. A partir du premier tea-house de Thomas Garraway (1640) il s’imposa comme une réalité sociale en Angleterre avec une consommation dès le matin jusque qu’au populaire five o’clock tea accompagné selon les heures du porridge ou de muffins.
En France, c’est le relais de personnalités (telles Mazarin, Racine, Madame de la Sablière…) qui participe à sa diffusion avec au départ un rôle médicinal progressivement estompé au bénéfice du plaisir. Il fut considéré longtemps comme un privilège de classe réservé aux oisifs contrastant avec la popularité du café. Louis XVI en fut un consommateur quotidien.
Dès 1618, la Russie intégra le thé noir de Chine dans sa culture avec l’usage du samovar et l’apport de sucre variant selon la hiérarchie sociale.
Dans le monde arabe, parallèlement au café, l’offrande de thé parfumé à la menthe servi dans des verres, symbolisa l’hospitalité du chef de famille.
Le thé est à l’origine des premières courses transatlantiques dotées du prestigieux « ruban bleu » (les clippers) mais aussi de guerres commerciales féroces entre chinois, anglais et américains du fait de ses taxations dont le symbole s’exprime dans la Boston Tea Party le 16 décembre 1773 qui préfigure la guerre d’indépendance des Etats Unis.
Merci au Dr Jacques Gauthier, cardiologue à Cannes, qui nous a autorisé à reprendre ce texte paru dans le numéro de février 2020 de la revue de cardiologie Cordiam.